En juillet 2003, j’obtiens mon bac. Fin 2003, je plante mon premier semestre à la Fac. C’est la vie.
En 2002/2003, j’étais dans un lycée privé, un bon. C’est drôle, le jour de l’affichage des résultats du baccalauréat, ma prof d’Espagnol m’avait félicité. J’étais ravi, elle savait que j’étais bon en langue, bon analyste et que j’avais du recul. Ce fut presque la seule à me congratuler, elle m’avait dit que les autres professeurs ne pensaient pas que je puisse l’obtenir sans passer par un rattrapage. C’est toujours plaisant.
Lors des conseils parents/professeurs, le constat avait été rapide et mon choix validé. Que veut faire Busta ? Aller à la fac, en DEUG de Maths ? Ah, aucun problème, c’est jouable (malgré les notes pourries que je me coltinais). J’étais plutôt content, même si je sentais bien que tout le monde s’en battait les couilles. Effectivement, je ne prétendais pas partir dans une grande école, mais vers une filière plus universitaire : let’s go à la Fac de Dunkerque.
En réalité, sans réellement anticiper, j’ai fait le bon choix. Pourquoi ça ?
Socialement cohérent
Je ne renie pas les années que j’ai passé dans les établissements privés, j’y ai des bons et des mauvais moments, comme partout. J’ai rencontré beaucoup de personnes intéressantes mais, soyons réaliste, le niveau social était homogène, trop, à la limite du malaisant. Pas mal de mes potes de l’époque avait, au moins, un parent médecin, ou avocat, ou entrepreneur, restaurateur, etc. Avec mes parents ouvriers, je me sentais parfois foutu de côté. Je n’ai jamais manqué de rien mais j’ai trop souvent senti la différence, je n’étais pas de la même strate sociale, même si c’était inconscient. Enfin, pas seulement.
Voici ma meilleure anecdote. J’étais en seconde générale avec option “économie” (quelle idée de merde. C’était au cas où je ne pouvais pas rentrer en filière scientifique, parce que l’économie, je trouve ça chiant et pourrie. Nique les règles de Taylor et toutes ces conneries !). Mon prof d’économie n’a rien eu de plus intelligent à faire que de comparer le niveau social des élèves. Je fus le seul à lever la main quand il demanda “Qui a ses deux parents ouvriers ?”. J’ai eu le droit à “Il y a quelques années, vous n’auriez pas eu votre place ici, vous avez de la chance”.
“De la chance ? T’es sérieuse, FDP ?”
Je ne sais pas toujours pas comment le prendre. Merci à l’époque de permettre à tous d’être égaux. Ce mec était probablement un enculé, doublé d’une merde, j’aurais du lui proposer d’aller sucer la bite de John Maynard Keynes. Hélas, je n’étais pas très subversif, ni insolent à cet âge.
Ce ne fut pas spécialement néfaste (sauf sur le coup), ça m’a donné l’envie de m’élever socialement pour faire fermer la gueule de ce genre de connard. Ce fut utile et formateur, puisque je peux considérer maintenant avoir réussi dans ma vie. Merci à lui.
Arrivé à la Fac, tout est devenu plus hétérogène, plus normal, il n’y avait plus ce genre de concours de bite, qui sera le plus fort, blabla, catégorie sociale, blabla. Tout le monde voulait son diplôme, point, et pas se comparer les notes obtenues. Il y avait de tout, des gens avec des parents divorcés, avec une mère célibataire, des parents en couple, vivants dans des H.L.M. ou des maisons, des gens de la ville, de la campagne, des bourgeois et des personnes issues de milieux beaucoup plus modestes, des Béninois, des Chinois, des Français, des Rachid et des Jacques, des Harold et des Yannick, des Messaline et des Edna. Des gentils fous et des vils sérieux. Le melting pot de la vie. Je me sentais vraiment dans mon élément, j’étais là où je devrais être.
Ouverture personnelle
Me situant dans ce mélange de tout et de rien, j’étais amené à sortir du lot, et plus fort que tout : c’était le moment de se démarquer, de se sentir autre et de s’affirmer, chose que j’avais eu du mal à faire par le passé, de peur d’être pris de haut. Je ne peux pas prétendre que j’ai appris à prendre les choses en main et à motiver les personnes à ce moment-là, mais cela a sûrement aidé, c’est une évidence.
Je me suis émancipé du caractère de suiveur, morne. Je me suis affirmé avec mes codes vestimentaires, j’osais faire ce que je voulais, porter ce que j’aimais, sans contrainte. À l’époque, je débarquais avec un Bandana sur la gueule, une casquette, un baggy, une doudoune sans manche, tout ça. Le premier qui pense à Willy Denzey mérite une claque, j’annonce.
L’avantage de la Fac, tout le monde se fout de comment tu es sapé, par contre, l’attitude importe plus. Surtout au niveau du corps enseignant. En clair, un prof ne va pas dégager un mec avec une crête rose de son cours s’il écoute, ou s’il en a rien à foutre. Par contre, si vous foutez le bordel, là, vous allez vous faire virer de la salle ou de l’amphithéâtre. L’argument principal sera “On ne vous a pas forcé à venir, donc si vous ne voulez pas suivre, ne venez pas” et c’est tout à fait louable.
Du coup, j’avais tout le choix d’aller en cours, d’y foutre le bordel, d’y squatter ou de le suivre
Les rencontres géniales
Le changement de milieu, passer du lycée à la Fac, m’a apporté beaucoup socialement, c’est certain. J’ai rencontré beaucoup de monde, des gens formidables et aujourd’hui, chacun a pris une route différente. Le seul survivant de cette époque est Chti, mon alter-ego de l’époque.
Je l’explique très souvent mais je n’étais pas fan de la personne au premier coup d’œil. Le mec faisait un peu trop le malin en cours de maths, à donner des réponses au professeur, j’ai tout de suite trouvé cela douteux. Probablement parce que je ne comprenais pas une équation au tableau. Après quelques jours, nous avons discuté et en fait, le courant est extrêmement bien passé. Ce qui est fait, c’est que je me suis lié d’amitié à pas mal de personnes à ce moment-là, mais sans comprendre comment l’alchimie s’était créée. C’était juste naturel, rien d’autre à ajouter.
Du coup, vu que j’étais du genre dissipé à l’époque (ah, pas qu’à l’époque ?), je partais de chez moi à 7h, traînais sur un banc à l’intérieur de la Fac de Dunkerque jusque 8h, avant de me décider à sécher les cours. J’ai beaucoup zoné sur Dunkerque à ce moment-là. Libre de tout engagement amoureux et ayant les parents les plus cools du monde, je n’avais de compte à rendre à personne. Mes parents me laissaient faire ce que je voulais, tant que c’était dans le respect. Et comme je n’avais pas envie de bosser et que je pensais rebondir rapidement, tout allait bien.
Forcément, à l’époque, nous filmions des petites séquences entre potes, à la Fac, nous avions décoré un ampli avec des conneries et des posters, joué avec des bombes à eau et maté des nanas à la Bibliothèque Universitaire. J’ai également passé beaucoup de temps à attendre mes camarades sortir de cours, en buvant des Fanta Madness à 55 centimes au distributeur et en mangeant des petits pains.
Un choix erroné, utile pour se recentrer
Par contre, niveau étude, c’était une catastrophe. Je me souviens bien, j’ai obtenu une note de 9,33 pour mon premier semestre, alors que j’avais donné de ma personne pour y arriver. Enfin, un minimum de ma personne. J’avais étudié les cours, sans succès.
Le trop plein de mathématiques et de libertés m’avait eu. Je vomissais l’algèbre, la mécanique, j’en avais assez, je n’aimais que les cours d’algorithmique et de programmation. Le reste me cassait les reins rapidement, malgré les intitulés sexy du genre “Science de la Terre et de l’Univers (S.T.U.)”. La déconvenue fut immédiate : il s’agissait, en réalité, d’une matière donnée par un prof à l’accent russe qui nous parlait de nuage, de cumulonimbus et de stratocumulus. Sympa, mais nul.
Tout ça, finalement, je m’en foutais, je n’ai jamais voulu en faire mon métier. Depuis que j’avais vu un ordinateur, à l’âge de 7 ans, je voulais faire de l’informatique. Et c’était pour cela que j’étais là, c’était le “passage obligé” et ça ne marchait pas. La solution fut rapidement trouvée : tant pis pour la filière généraliste DEUG/Licence/DEA/DESS, autant partir dans le vif du sujet de suite, vers une filière informatique. Le DUT fut la meilleure option, plus cadrée et plus professionnalisante. En avril, mon dossier était ok et du coup, j’allais à la Fac en gros touriste, en attendant. C’était plutôt pour voir les potes et dragouiller des meufs.
Une pseudo-année de retraite avant l’heure
Ma conclusion est facile. C’était une sorte de retraite anticipée. J’ai pu en profiter pour faire quelques projets personnels, j’ai fait des rencontres et structuré ma vie future. Cela m’a servi pour faire éclater la personnalité que j’avais bridée pendant des années, et de me construire sur un savant mélange entre persuasion, excentricité, analyse et introspection.
C’est pour cela que je porterais toujours cette Fac dans mon cœur.