Me faire tatouer m’a appris beaucoup de chose. Et sur moi, et sur les autres.
Les modifications corporelles sont de plus en plus répandues dans nos contrées. Piercing, tatouage, ancrage dermique, scarification… Il y en a pour tous les goûts. Mais il est difficile de dire que toutes les pratiques sont mises au même niveau. Un piercing à l’oreille sera toujours plus “conventionnellement acceptable” qu’un piercing à l’arcade. Les tatouages seront mal vus par certains. Tout ça pour vous dire que l’ouverture d’esprit dans nos sociétés évoluées se bornent régulièrement aux clichés. Et au caractère parfois obtus de l’autre.
"Ah t'es tatoué, t'as fais de la prison ?" Vous êtes fatiguant ..
— GregDrummaVideos (@Greg_Drumma) July 2, 2016
La mentalité d’un tatoué
J’ai commencé à me faire tatouer en 2011, en sautant le pas avec mon pote El Jefe qui était déjà tatoué. Notre motif en commun a demandé pas mal de réflexion et de temps de préparation, il fallait beaucoup de détails et de symboliques. Cela m’a tellement plu que j’ai décidé de continuer. J’ai désacralisé mon corps concernant les tatouages. Actuellement, quand on me demande combien de pièces ai-je sur la peau, je suis infoutu de répondre. Probablement plus d’une vingtaine. Facilement.
Il est évident que certaines pièces ont été réalisées sur un coup de tête, dans un délire. D’autres ont nécessité plus de travail, plus de prise de tête et de réflexion. Je suis conscient que certaines pièces ont quelques menus défauts, des incohérences. C’est évident que certaines pièces sont perfectibles. Cela ne me trouble pas, je vois mes tatouages comme des pièces de vie, un marqueur sur une timeline, avec une histoire et des symboles, qui sont plus forts que le tatouage par lui-même : c’est bien plus qu’une simple décoration de peau. J’ai des défauts physiques également, après tout.
Le tatouage est parfait sur le papier et ça n’est pas toujours le cas sur la peau
Si vous pensez que cela est faux avant de vous faire ancrer, vous voguez vers la désillusion évidente. Vous allez être déçu et ce sera votre faute, intégralement. Pour optimiser votre tatouage (sur des pièces conséquentes), il faut savoir que le rapport tatoueur / tatoué est extrêmement important. Plus vous accordez de confiance et de temps à votre artiste, plus c’est valorisant. Vous allez pouvoir discuter du sens, des motifs, des idées, des orientations et des limites de votre motif. Si votre tatoueur se permet de faire des choses un peu différente de ce qui était prévu, du “à main levé” (sur certains motifs et endroits, pas le choix, il est difficile d’appliquer un stencil), cela a dû être vu avant avec vous. Si ça n’est pas le cas : surveillez votre tatoueur et indiquez lui avant qu’il ne passe à l’acte.
Si cela ne va pas, s’il se borne à modifier certains détails : changez de tatoueur (vous n’êtes pas fait pour vous entendre, c’est votre peau, elle vous appartient). À l’inverse, si vous vous attendez à avoir une copie exacte sur votre peau, ne vous faites pas tatouer. Votre peau et votre corps ne sont pas du papier et un dermographe1 n’est pas un stylo. Il va forcément avoir des variations plus ou moins visibles.
La perfection, ce manque de réalisme
Ce qui est assez drôle, c’est d’observer les gens qui sont à la recherche “du tatouage le plus parfait”. Sans faire de généralité, je peux vous dire que ces personnes se divisent en deux genres : celles qui sont passées à l’acte, et celles qui n’ont jamais été capables de se jeter à l’eau.
Je ne peux pas jeter la pierre à ces personnes même si cela soulève quelques questions.
La deuxième catégorie est celle des personnes qui ne passeront jamais à l’acte. En tout cas, pas si elles ne changent pas leur manière de penser. J’ai entendu plein de fois, de la part de beaucoup de personnes différentes, ce genre de discours : “J’ai un motif depuis longtemps mais il n’est pas parfait”. En général, quand on creuse un peu, on constate que l’envie de se faire ancrer n’est pas si forte que cela, il n’y a pas l’impatience de se jeter à l’eau. Et c’est normal : le premier tatouage est toujours flippant, il faut l’avouer. Alors que ce n’est qu’un cap à passer. Est-ce que c’est une excuse ? Possible mais je trouve cela dommage.
Il faut chercher le tatouage qui vous correspond le plus, surtout quand il s’agit de la première pièce. Il faut également savoir se lancer à un moment.
Pour les tatoués à la recherche du tatouage idéal, il faut faire attention. Une fois ancré, il est fort possible que vous bloquiez sur un détail de votre tatouage, qui ne sera pas tout à fait à votre goût, ce n’est pas en ne pensant qu’à cela qu’il va changer. C’est problématique. Soit votre tatoueur rattrape le coup, soit vous apprenez à vivre avec.
L’acceptation est vitale
Vivre avec les petites imperfections de ses tatouages est important, les erreurs font partie de la vie. C’est comme vivre avec ses défauts physiques. Puis, honnêtement, la plupart du temps, ces détails minimes ne sont perçus / connus que par le tatoué (et le tatoueur), rarement par les autres. Cela m’a appris à m’accepter tel que je suis, à m’ouvrir aux autres.