Peut-on revenir en arrière ?
Aspects historiques de l’IVG en France : d’une politique nataliste au manifeste des 343
La politique nataliste conservatrice des années 20 prônait une nation avec une natalité élevée, par conséquent étaient interdits l’avortement et la contraception. La conception de la famille évolue durant la Seconde Guerre Mondiale où le slogan du pays était ”Travail, Famille, Patrie”. L’avortement était alors considéré comme un crime contre l’état et les femmes l’ayant pratiqué pouvaient être condamnées à mort.
L’après guerre est l’occasion de changements, notamment dans les années 60 où éclorent des mouvements féministes tels que l’Association Nationale des femmes fondée par Betty Friedan. Par la suite, via l’impulsion de ces associations, est promulguée la Loi Neuwirth (1967) en faveur de la contraception : une avancée majeure.
Le manifeste des 343 est une pétition publiée le 5 avril 1971 dans le Nouvel Observateur et signé par 343 femmes telles que Catherine Deneuve, Jeanne Moreau… Ces femmes affirment avoir subi un avortement de façon illégale : elles s’exposent volontairement à des poursuites pénales afin de faire entendre cet appel à la liberté individuelle des femmes. C’est un appel pour pouvoir avorter de façon libre et en toute sécurité, dans des conditions sanitaires respectables puisque jusque là, 1 % des femmes ayant recours à l’avortement clandestin mourrait de suite de complications.
Tournant majeur : la Loi Veil de 1975 : dépénalisation de l’IVG avec adoption à l’Assemblée Nationale à 284 voix pour et 189 contre. La Loi Roudy de 1982 permet le remboursement de l’IVG par la sécurité sociale et la loi Aubry de 2001 permet l’allongement du délai de 12 à 14 semaines d’aménorrhée, la suppression de la consultation sociale obligatoire et permet aux mineures non émancipées d’avoir recours à l’IVG sans être accompagnées de tuteurs légaux. A titre d’exemple, en Grande-Bretagne, le délai légal de recours à l’IVG est fixé à 24 semaines.
Cellules, de l’embryon au fœtus : dimensions biologiques et statut de l’embryon
La problématique posée par les intégristes religieux ultra-conservateurs est la suivante : le statut de l’embryon. Humain, conscient, pas conscient, cellules ? En pratique, c’est bien plus complexe.
Biologiquement parlant, les structures embryonnaires se mettent en place progressivement. Lors de la première semaine de grossesse, post-fécondation, l’implantation de l’embryon sur la muqueuse utérine a lieu. La semaine suivante, la cavité amniotique et les structures à l’origine du placenta apparaissent. Grossièrement, jusqu’à la 12e semaine de grossesse, les structures primitives à l’origine des organes, de la peau, des tissus de l’organisme apparaissent avec un élément majeur en 4e semaine : la neurulation (ébauche des structures nerveuses). L’embryon passe alors au stade fœtus lors de la 11e semaine avec l’apparition des premiers réflexes lors de la 12e semaine de grossesse.
Selon une étude du Royal College, le fœtus n’a pas conscience de la douleur avant la 24e semaine. Il est difficile de dire qu’un fœtus puisse avoir conscience de la douleur au-delà de 24 semaines puisque le développement cognitif se déroule en post-natal.
L’embryon est dépendant de sa mère sur le plan développemental et ne possède un statut légal qu’à partir de sa naissance : dès l’attribution d’un prénom à la naissance. Le fœtus passe donc au statut de bébé, être doué de conscience (enfin ça, c’est progressif bien entendu).
Comment réduire le nombre d’IVG
La problématique qui nous concerne n’est pas d’augmenter le nombre de semaines permettant l’IVG mais d’améliorer certains points qui réduiraient le nombre de ces interventions :
– Améliorer l’information : expliquer le cycle menstruel aux partenaires (pic d’ovulation au 14e jour du cycle), gérer la contraception (pilule : prise quotidienne à la même heure, éviter la prise avec de l’alcool sinon l’effet est inhibé) ;
– Accès gratuit et confidentiel : aux conseils, à la prescription, améliorer la délivrance de produits contraceptifs pour les adolescents (d’où la nécessité de préserver les plannings familiaux pour les plus nécessiteux ou les ados ayant peur de parler au médecin) ;
– Éducation sexuelle : dédramatiser rassurer les ados sur l’image de la sexualité (pornographie qui diffère de la réalité), répondre aux questions pouvant être encore taboues (homosexualité, bisexualité) ;
– Conseiller sur d’autres moyens de contraception : stérilet, patch, implant, spermicides, préservatifs masculins et féminins. Il faut adapter la contraception à vos besoins et garder en tête une notion : être à l’aise avec son corps.
Enjeux Éthiques
Droit à la vie et à l’intégrité physique : en luttant contre l’avortement, nous retournerions à l’époque des faiseuses d’anges et avec un taux de mortalité trop élevé. En terme de santé publique, ce serait un désastre.
Liberté de conscience : toute personne a le droit à une autonomie morale, a le droit de prendre des décisions comme chaque être humain devrait pouvoir le faire, le droit de prendre des décisions concernant sa santé, le droit à une maternité choisie (ce point concerne les deux partenaires bien évidemment).
L’objectif est de diminuer le nombre d’IVG pratiquées en France tout en assurant une liberté individuelle sur nos propres choix de vie. Il n’est pas question ici d’augmenter le nombre de semaines où l’IVG serait praticable, mais bien d’améliorer l’information et les connaissances de chacun.
Retourner à un modèle des années 20 serait régressif et liberticide pour tout futurs parents souhaitant procréer le moment venu ou alors tout couple ne souhaitant pas vivre dans un modèle dit de la ”normalité” promulgué par la bien pensante société type mariage – enfants – labrador.
Chaque individu, homme, femme a le droit de vivre et de prendre des décisions de la meilleure manière qui soit : de son propre chef. Ce concept se nomme liberté.