De 20 à 24 ans, je suis resté en couple avec une nana dont je suis resté amoureux un peu plus d’un an. Les années suivantes de cette relation étant basées sur des habitudes, un semblant de stabilisation et probablement une peur partagée d’être seul. J’ai passé la dernière année à essayer de la quitter.
Avec le recul, je sais pourquoi j’ai tenté si longuement de déclencher une rupture. Nous vivions déjà comme un vieux couple. Et j’en avais vraiment pas envie. J’en avais assez. Je ne voyais pas le bout du tunnel, l’utilité d’une finalité en tant que couple avec cette fille.
C’était le même manège chiant tous les week-ends. Le samedi soir était extrêmement ennuyeux pour un jeune couple. Après mes activités du samedi après-midi, nous allions chez ses parents – nous vivions tous les deux chez nos parents respectifs, on mangeait un truc pas cher (genre un américain fricadelle sauce Bourgy Burger), puis on allait se coucher. A 22 ans, se mater les séries diffusées sur le réseau hertzien sous la couette, franchement, ça ne fait rêver personne. Ceci explique pourquoi je déteste NCIS et toutes les séries du genre. Par manque de tune et respect par rapport au couple que nous étions, j’ai sacrifié des soirées du samedi. Il est même arrivé que nous faisions des trucs avec d’autres couples, et c’était parfaitement nul. J’en ai très peu de souvenir.
Le dimanche n’était pas vraiment mieux. Nous nous levions, déjeunions avec ses parents, et l’après-midi, c’était souvent avec sa famille. Franchement, qui a envie de cela régulièrement quand il a 22 ans ? Pas que sa famille était inintéressante. Mais vivre ce cycle quasi-hebdomadaire, c’était parfois gênant et relou.
J’ai toujours bien aimé son père qui aimait les ordinateurs mais sa mère me filait de l’urticaire à la longue. Une personne pas méchante mais qui m’a laissé un arrière-goût à vie parce qu’elle était pleine de clichés sur “le gendre idéal”. Il était compliqué de pouvoir communiquer avec elle, trop d’idées arrêtées et pas assez d’ouverture d’esprit. Je pense que sa fille et elle ont tenté de me changer, de me “modeler” à leur façon. Pour cette femme, à Noël, il fallait porter une chemise. Mon tee-shirt et moi, nous sommes sentis cons. L’année d’après, j’avais fait l’effort de mettre un joli polo. “Oui, mais ce n’est pas une chemise”. Un an plus tard, je portais une chemise “qui était trop large quand même”. Puis l’année d’après, on était séparé.
L’amour que je portais à cette fille avait suffit me rendre totalement obéissant et c’était débile. Cela m’a valu d’être un pantin. Cela m’a valu quelques clashs avec mes parents, que je regrette toujours maintenant. Quelle perte de temps mais j’étais con et aveuglé par je ne sais pas quoi. “Ma première relation sérieuse” que je voulais préserver peut-être ? Belle merde, en fait.
J’avoue, ce pseudo-lavage de personnalité a fonctionné un moment, quand j’étais très amoureux, mais certains de mes gênes ont vite fait marche-arrière. Les sentiments qui s’effaçaient m’ont bien aidé aussi. J’ai vécu à nouveau.
Sinon, parfois, le dimanche, on allait se balader en amoureux sur la digue de mer. C’était vraiment déprimant quand j’y pense. Ce qui est cool, c’est que j’ai trouvé une compagne qui trouve les ballades de ce type chiante au bout de 5 minutes.
Pendant presque 3 piges, ce fut cela quasiment cela tous les week-end.
La semaine, on se voyait, enfin, on se “croisait”. Elle passait chez mes parents, quand on revenait des cours. Puis chacun reprenait sa vie. Nous avions la chance de faire des études dans cette belle ville de Calais. La routine était présente aussi là : j’allais la voir à sa pause du midi, on prenait un américain pour deux à la friterie Wilson et on se disait “à la prochaine”, “à ce soir”, “à bientôt”.
Est-ce qu’on a vécu des moments extraordinaires et de complicité ? Peut-être, peut-être pas, mon cerveau a fait le tri mais tout tournait autour d’automatismes. Ce qui n’est pas bon signe.
Les rêves de mon ex étaient purement typiques de ceux qu’on fout dans le crâne d’une petite fille : foyer, mariage, enfants. Château, prince charmant, enfants. Depuis qu’elle le pouvait, elle travaillait l’été. Elle a commencé tôt et avait économisé chaque euro pour son futur foyer, pour une future maison. C’était tout le contraire de moi, je n’avais pas un rond de côté, je profitais de la vie, je sortais avec mes potes et continuais mes études sans faire de projection valable dans le futur. Avancer au coup par coup, quand j’avais 20 ans, c’était mon truc et ça m’a réussi. Je lui offrais même des cadeaux pour aménager sa future cuisine.
J’avais trouvé un tas d’esquive, je sortais avec des potes, picolais de la vodka le mercredi soir, je rentrais en titubant le long des quais du port, libre d’être et de rêver à autre chose qu’une vie qu’elle voulait tracer pour nous deux; je vivais une vie parallèle où mon histoire sentimentale était optionnelle, facultative, remplaçable, tout en la respectant. Je ne l’ai jamais trompé, ce qui est louable vu la situation.
La fuite de cette relation monotone s’est déclenchée à la fin de mon Master. Je me suis retrouvé au chômage, je cherchais un emploi et ne trouvais pas. J’étais souvent dehors, la journée et le soir, avec quelques potes et dépensais une partie des économies épargnées, grâce à mon ancien salaire de stagiaire de fin d’étude, dans des Maredsous Triple au Cactus Café sur la digue de Dunkerque. Quasiment 3 à 4 fois par semaine. J’étais souvent raide, triste de me sentir seul et incompris tout en étant casé et de ne servir à rien dans la société. Je faisais souvent la fermeture du bar le lundi, ou mardi, ou un jour, à baver mon mal-être à la serveuse qui m’écoutait par professionnalisme. Je n’arrivais pas à trouver de job malgré la moyenne de 20 CVs envoyés par semaine. Je ne la soutenais pas plus non plus. La communication commençait à s’éroder sévèrement. Le simple fait de me dire que je devais monter un foyer avec cette fille me filait le bourdon. J’ai fait le mort pendant quelques mois, comme un lâche, il le fallait. J’avais toujours un prétexte pour ne pas la voir, je n’avais plus envie de me faire chier dans la routine. Sans se concerter, des deux côtés, nous cherchions une porte de sortie, et nous nous sommes séparés.
Après cette longue histoire, plus jamais une nana me m’a fait faire n’importe quoi, je suis forcément devenu plus dur. Impossible de vivre comme un vieux couple désormais.