La première fois que j’ai vu un ordinateur, je devais avoir 8 ans, c’était au CE1, en 1993, dans mon école primaire. Après la cantine, notre instituteur nous amenait dans la salle informatique pour jouer à des jeux. Avec le recul, j’ai tapé ma première “ligne de commande” à cette époque, pour lancer un jeu. Sous Dos. C’était juste incroyable que quelques mots tapés puissent ouvrir l’accès à un nouvel univers. Un foutu écran noir moche pouvait afficher des trucs en couleur que je pouvais contrôler. C’est le genre d’époque qui sent le plastique des années 90 et la joie de vivre.
Puis j’ai découvert les jeux vidéo sur console : Game Boy, Master System… C’était déjà clair dans ma tête : c’était ce que je voulais faire plus tard. Les écrans m’attiraient déjà, j’avais 20 ans d’avance sur la tendance.
L’idée est restée longtemps dans ma tête de mioche. Vu que mes parents étaient modestement fortunés, impossible d’avoir un ordinateur à la maison. C’était clairement hors de prix et ce n’était pas la priorité. Donc je restais là, à imaginer des jeux. Quand un jour, un pote de mon père nous parla d’une association scientifique qui donnait des cours d’informatique. C’était en 1997. Suite à une visite de cette association durant la fête de la Science sur Dunkerque, j’ai pu réaliser mon premier surf sur Internet. Je trouvais ça tellement dingue, irréel et cela a confirmé mon envie de travailler dans ce domaine. C’est fou mais à partir de là, c’était fini. J’allais être obnubilé par les ordinateurs, les consoles et, de manière générale, la technologie et toutes les sciences.
Je me suis inscrit dans cette association (Jeunes-Science Nord) pour suivre les animations en électronique et en informatique. C’était une période géniale, moi qui n’avait pas d’ordinateur à la maison. Je pouvais faire du QBasic et du HTML4. J’ai pondu mes premières pages Web et piloter un chenillard à LED via le port parallèle d’un PC à ce moment de ma vie.
Pour la petite information, c’est l’Unesco qui avait lancé les mouvements “Jeunes-Science” en 1963, dans le but clair et simple de vulgariser les principes fondamentaux de la science. C’était un mouvement populaire qui rassemblait des jeunes et moins jeunes pour découvrir les sciences. Tout enfant un peu curieux pouvait assouvir sa faim de nouveautés, dans un cadre périscolaire.
Création de l’association Jeunes-Science : http://unesdoc.unesco.org/images/0015/001543/154350fb.pdf
Ce n’était pas forcément évident pour tous les membres de l’association. Je voyais au collège des camarades qui avaient du mal à comprendre que je puisse préférer aller faire des exercices sur les tables de Boole (qui est une base pour comprendre l’électronique, et par extension, des concepts fondamentaux en algorithmique) plutôt que de traîner en ville. Heureusement, j’ai eu le temps de rattraper le coup à la fac, avec une première année que j’ai allègrement séchée.
Chaque samedi après-midi / dimanche matin de collège et lycée, j’étais partagé entre la science et le sport. Le reste de mon temps libre était réservé à ma famille et à mes devoirs. Je me suis de plus en plus investi et, au fur et à mesure, je suis passé de simple adhérent à animateur en informatique et en électronique. J’ai pu enseigner les rudiments du HTML et du PHP à cette époque. Voir des personnes plus jeunes partager autour d’une technique, à la cool, sans prise de tête, c’est une chose extrêmement plaisante. J’ai aussi découvert les joies de la gestion d’un secrétariat associatif et j’ai tenu la vice-présidence pendant quelques temps.
Cette association m’a énormément apporté, elle m’a permis de comprendre les bases du milieu associatif, de préparer des animations, de participer à certaines réunions de mairie, de communiquer avec les gens lors de nombreux événements, d’organiser des LAN Party (donc de m’amuser tout en restant dans la technique). Cela a forgé l’homme que je suis. Cela m’a orienté vers le métier que je pratique actuellement. Quand j’explique que je suis un passionné, c’est vrai, il n’y a aucun mensonge.
Hélas, j’ai l’impression que la tendance, chez les plus jeunes, n’est plus celle-ci.
A la genèse de cette association, dans les années 60/70, c’était encore l’époque où les jeunes s’intéressaient à la science. Les magazines jeunesse comme Pif Gadget poussaient à la curiosité (de tout type) avec des gadgets parfois orientés “expérience scientifique”. Je suis arrivé dans l’association en 1997, au moment où cette mentalité était déjà “dépassée” mais non absente. Je me souviens d’un livret de ce magazine Pif Gadget qui expliquait comme faire de la corde avec des chardons par exemple – Bear Grillz des années 90 un peu. Et je trouvais ça fantastique. Pas sûr que ce genre d’initiative soit bankable en 2015, tout va plus vite.
Je vais faire le vieux con, j’ai l’impression que, de nos jours, les parents idolâtrent leurs gosses parce qu’ils savent surfer sur le net et ont un compte Facebook. Ils en font des tonnes. Ce ne sont pas des as de l’informatique, ils sont nés avec un écran devant les yeux et ils savent s’en servir (mieux que les générations précédentes, c’est évident) mais j’ai du mal à croire qu’ils ont une folle envie de comprendre comment tout cela fonctionne.
Le type de Geek à la Sheldon Cooper (oui, j’utilise des références que tout le monde peut appréhender) ne court pas les rues, alors un Richard Stallman… impossible. D’ailleurs, j’ai vu le déclin d’envie de science entre 1998 et 2005. De moins en moins de jeunes inscrits, ce qui a fait salement chuter l’association. Ce qui m’a fait sortir du schéma de l’animation, je suis parti avant le crash. J’étais vraiment déçu de constater que l’association ne pouvait plus susciter l’envie. Et pourtant, j’en ai rencontré des enfants, des adolescents, des adultes, les derniers mois avant mon départ. C’est probablement cela qui m’a fait comprendre que la curiosité d’antan n’était plus. Pas seulement chez les autres, un peu chez moi également.
Le geek est à la mode mais pour moi, c’est un “faux” geek. J’en connais des vrais (pas mal d’ailleurs) mais le sens commun est tout à fait biaisé et c’est déplorable. Le “geek” est à la mode, à côté des hipsters. Il suffit de regarder les pubs pour des sites de rencontre et ce qu’il se passe à la TV. Mais tout ça, c’est du flan. Présentez-moi un gamin qui a démonté une tour de PC à 10 ans pour chercher à comprendre le pourquoi du comment. Je lui dirais qu’il est dans une bonne voie.
Malgré tout cela, j’ai toujours essayé d’apprendre et de découvrir. J’adore les émissions et les articles scientifiques. J’aime la littérature, la musique, plein de domaines. J’ai toujours cette propension à m’émerveiller de beaucoup de choses, en dépit de l’âge. Mon regret éternel est de constater que ce n’est pas le cas de tous.
Il faut retenir un point dans tout cela : Soyez curieux, poussez vos enfants à être curieux, à être ouvert, formez-les à l’observation et à la découverte, malgré l’adversité qui prend mille et une formes. C’est toujours payant. Il n’y a rien de plus beau que d’apprendre et de comprendre le monde qui nous entoure.